vendredi 17 mai 2013

Qu'attend le public d'un "bon" médecin ?

  Grâce à Dominique Dupagne, j'ai connu le blog de Jaddo. Grâce à celle-ci, j'ai eu envie de me plonger dans cet univers assez particulier composé de briques en 140 lettres qu'on appelle Twitter. Et j'y découvre chaque jour des choses extraordinaires (ambiance dont je parlerai peut-être un jour, mais là tout de suite je manque de temps).

  Aujourd'hui j'ai donc découvert grâce à Twitter l'existence du veliparib qui est en essai clinique pour traiter les cancers du sein avec gène de prédisposition. J'ai donc gardé précieusement cette information, pour m'y référer par la suite, et aussi pour la relayer auprès d'une de mes patientes, actuellement en 3è ligne de chimiothérapie. Je n'ai pas encore eu le temps d'aller creuser le sujet, mais la première réflexion qui m'est venue à l'esprit est que nous tenons peut-être là une arme supplémentaire dans notre arsenal pour essayer de la stabiliser, si jamais sa 3è ligne de chimiothérapie devait connaître un échappement.
  Il se peut que je me trompe et que le veliparib ne puisse jamais constituer une 4è ligne de chimio. Il se peut aussi qu'au contraire il apporte bien cet espoir supplémentaire. En tout cas, si je n'avais pas consacré du temps à m'informer, je ne l'aurais jamais su. Et si je ne consacre pas encore un peu plus de temps pour me documenter davantage à son sujet, il ne sera d'aucune utilité à mes patientes, dont celle à qui je pense en particulier.
  Il me semble me souvenir que Dominique Dupagne a raconté un jour cette anecdote à propos de la "médecine de proximité": une patiente s'est exclamée à son endroit qu'elle était tellement contente qu'il accepte de devenir son médecin traitant parce qu'il était... tout près de chez elle. L'anecdote m'est restée en mémoire, comme sujet d'étonnement que tous ces gens recherchent d'abord un médecin à cinq minutes de chez eux et non un médecin avec d'excellentes compétences.
  A présent que j'y repense, une des explications possibles serait que la majorité des gens considèrent les médecins comme interchangeables car tous dotés par défaut d'excellentes compétences et que sous ce rapport il n'existe pas de meilleurs médecins que d'autres. Ce qui compterait serait alors sa proximité, qu'elle soit géographique ou encore relationnelle avec sa patientèle.
  Je n'ose penser à cette autre explication qui pourrait être que les patients considèrent comme sans importance que leur médecin traitant ne soit pas excellent, puisque lorsqu'ils ont besoin d'excellence ils s'adressent aux médecins spécialistes. Et pourtant, cela pourrait éclairer sous un autre jour cette propension de nos concitoyens à réclamer un passage chez le spécialiste pour des motifs qui ne le justifient aucunement d'un point de vue médical.
  En tout cas, pour rester excellent, le médecin se doit de continuer à se former avec régularité tout au long de sa vie, et a besoin pour cela d'un temps non négligeable. Ce temps là est-il intégré dans le montant de la grille de ses honoraires ? Quand on examine le montant de 23 € dont il ne reste que la moitié une fois les charges déduites, on est tenté de répondre que non. Pis, se former revient à se pénaliser volontairement en terme de revenus puisque pendant le temps consacré à la formation le médecin ne touche aucune recette de consultation. On peut rétorquer qu'il existe les séances de FMC (désormais rebaptisé DPC) indemnisées: il faut aller visiter le blog de Jaddo et surtout ce billet pour comprendre que le médecin déjà bien formé n'en retire pas grand chose, et savoir que l'indemnisation est de 300 € la journée soit l'équivalent de 13 consultations.
  Cette situation d'incitation négative à rester à jour de ses connaissances -puisque s'y astreindre revient en fait à connaître une diminution de ses revenus d'autant plus forte que l'on se forme de manière assidue- est d'autant plus délétère qu'elle se conjugue à une pénurie croissante de médecins traitant. Alors que l'on pouvait éventuellement espérer que le médecin excellent aura une activité plus fournie que son confrère moins soucieux de sa formation continue car il sera davantage demandé par les patients, le déséquilibre offre /demande de soins est tel que même le plus désinvolte des médecins aura suffisamment de demandes pour remplir sa journée de travail.
  Mais je m'égare... Là où je voulais en venir, c'est que ma vision d'un "bon médecin", c'est celle d'un médecin qui dans l'agenda de sa semaine prévoit un certain temps pour s'informer, se former afin d'être toujours à la pointe de la connaissance médicale. Mais cela implique évidemment que pendant ce temps, il n'est pas disponible pour ses patients. Et que, étonnamment, il peut passer pour n'être pas un "bon médecin" si l'attente de sa patientèle se résume à ce qu'il soit disponible pendant la plage de temps la plus large possible.
  C'est ainsi que les conceptions du souhaitable des usagers ne rejoignent pas forcément celles des soignants. D'où la nécessité dans ma réflexion en cours sur la rémunération des professionnels de santé de distinguer le point de vue des usagers du point de vue des professionnels.

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